Il nous en aura fait voir du pays ce CEVA. Si l’on devait passer au détecteur de mensonges tous ces politiciens fers de lances de cette liaison ferroviaire, peu seraient sans doute ceux qui pourraient soutenir aujourd’hui, le regard ferme et déterminé, sans faire tressaillir l’aiguille, qu’ils tiendraient le même discours que voici quatre ans.
Et ce n’est de loin pas terminé. Derrière le discours officiel, les consciences se réveillent, peu à peu. Lentement, bien sûr, on est en Suisse que diable !
La droite, qui a « vendu » le projet au motif qu’il donnerait du travail à nos entreprises a bien vite déchanté. Elle s’est souvenue, « mais un peu tard », comme dit la fable, que nos accords avec l’Europe exigeaient un appel d’offre pour marchés publics. Résultat, le gros-œuvre a été attribué à une entreprise française pour 800 millions. Et bientôt les rames du CEVA pourraient être commandées à un fabricant français.
La gauche, qui aurait signé les yeux fermés en faveur d’un nouveau transport public, quel qu’il soit, où qu’il aille et quoi qu’il coûte d’ailleurs, se rend compte progressivement « mais un peu tard »aussi, que ces entreprises européennes interviennent avec des ouvriers européens (la belle découverte pour les militants de l’internationale des chômeurs), lesquels sont payés selon d’autres critères que ceux de nos Conventions collectives.
A la droite, comme à la gauche, il est bon de rappeler que pour remporter un marché public de cette importance, il faut bien réduire les charges…et que les entreprises suisses, dans ce domaine, ne peuvent pas régater.
Bientôt Genève, ébahie, découvrira que ce projet ne lui coûtera pas les 1,5 milliard annoncés, mais certainement le double, car lorsque l’on commencera enfin à creuser (au fait, c’est pour quand ?), on verra que le sous-sol se prête peu à cet exercice en raison des nombreuses nappes phréatiques, et que les fissures, lézardes et autres brèches apparues d’ores et déjà sur les immeubles environnants, ne feront que s’étendre et se multiplier, sans que l’on ait prévu aucun poste au budget pour y remédier.
Mais tout ceci n’est que musique de (proche) avenir. En attendant, nous avons à gérer les 1,9 million de m3 de gravats, dont moins d’un tiers peuvent être recyclés. Les gravières genevoises étant déjà saturées, on comptait sur la plage providentielle pour y déverser les déblais du CEVA, selon la devise « sous le CEVA la plage ». Manque de chance, le projet de plage était à ce point mal ficelé, comme tous les grands projets préparés par nos autorités, que les juges n’ont pu que renvoyer la copie à leurs auteurs.
Faute de plage, on pense désormais faire une montagne. Ils ne se laissent pas démonter par si peu nos dirigeants. Ils sont pleins de ressources (intellectuelles bien sûr ; les autres c’est nous qui les assumons). Mais il y a un problème : où créer cette montagne ? Quelle commune serait prête à l’accueillir ? Pourtant son usage pourrait être multiple. Station de sports d’hiver, luge d’été, ou simplement fournisseur d’ombre dans la perspective du réchauffement climatique.
Ni la plage, ni la montagne ne sont dès lors des réalités genevoises prochaines, et il faudra bien se résoudre à transporter nos gravats…en France, où l’on daignera les recevoir, non sans se faire copieusement prier, moyennant monnaie sonnante et trébuchante. Ma foi, ils n’ont rien demandé. Et ce CEVA, c’est avant tout en projet suisse pour les Suisses !