La France a dénoncé la Convention de 1953 en matière de double imposition sur les successions. Plutôt qu’un vide juridique qui impliquerait l’appel aux principes généraux de droit international en la matière, la Suisse a manifesté le souhait de « négocier » une nouvelle Convention. Il se trouve cependant que le texte d’ores et déjà paraphé, mais non encore signé, et certainement pas ratifié, comporte des clauses à ce point inacceptables, que l’on peut légitimement s’interroger sur la notion de l’intérêt du pays qui anime la Conseillère fédérale Evelyn Widmer Schlumpf.
En effet, la France entend, avec l’onction provisoire de notre gouvernement, imposer selon le droit français, les immeubles situés en Suisse, si l’héritier est domicilié en France, et cela même si le défunt était domicilié en Suisse.
En d’autres termes, et pour prendre un cas concret, des descendants directs, au motif qu’ils sont domiciliés en France, seraient taxés, en France, à raison de 45% de la valeur de la villa occupée en Suisse par leur père en cas de décès de celui-ci, et cela alors qu’ils seraient exemptés d’imposition sur la succession si leur père était domicilié à Genève, par exemple.
Inutile de préciser que cette situation concernerait de nombreux suisses, contraints de s’installer en France, faute de trouver un logement conforme à leurs aspirations dans notre canton.
Pourquoi la Suisse devrait-elle accepter cette nouvelle ingérence étrangère, alors que rien ne l’y oblige ? Mystère. Peut-être la peur du vide. Le Conseil fédéral souffrirait-il de vertige ? Il lui faudrait pourtant de la hauteur.
Ce d’autant que les principes de l’OCDE dans ce domaine fixent alternativement le droit applicable à une succession supranationale, qui est, soit le lieu de résidence du défunt (la Suisse dans l’exemple ci-dessus), soit le lieu de situation du bien immobilier (la Suisse encore). Cette dernière possibilité est généralement retenue, car la valeur du bien immobilier est déterminée essentiellement par les infrastructures développées par les collectivités en son lieu de situation.
Certes l’OCDE autorise (comment pourrait-il en être autrement), un Etat à exonérer des héritiers si ceux-ci sont déjà taxés par un autre Etat. Encore heureux, pourrait-on ajouter.
Cela amène notre Conseillère fédérale à soutenir benoitement que l’imposition des immeubles situés en Suisse par la France en cas de succession, est conforme au droit international, puisque la Suisse peut renoncer à sa taxation si la France s’en charge…Il fallait oser. Mais, s’empresse-t-elle d’ajouter, la France voulait appliquer cette imposition dès 6 ans de résidence, et ce délai a été porté à 8 ans. Quelle maestria diplomatique !
La question est autre : En quoi les intérêts de la Suisse, Etat souverain et indépendant, dictent-ils cette renonciation, qui pénalise de surcroit essentiellement les Suisses de l’étranger ? Mystère toujours.
C’est ainsi que le Conseil national, à la majorité, a accepté aujourd’hui une motion enjoignant au Conseil fédéral de renoncer à toute nouvelle Convention avec la France en cette matière si cette exigence était maintenue. Plutôt ne rien signer du tout ! Logique et simple. Trop simple pour certains.