Y’en a point comme nous ! Dans notre belle Helvétie, tout est plus policé, plus raffiné, plus opaque diront les mauvais esprits. Pas de vile corruption nauséabonde ou de règlements de comptes sanglants. Non. Chez nous c’est plutôt le royaume des ascenseurs. On se les envoie, et se les renvoie, avec courbettes et civilités.
La fin de la sécurité de l’emploi dans le secteur public a même donné naissance, presque de manière imperceptible, tout particulièrement chez nos plus hauts fonctionnaires, à une forme nouvelle de corruption, que l’on répugne même à nommer ainsi, tant elle est subtile : la corruption de l’esprit. Cette corruption n’a plus d’auteur actif bien déterminé, et son objet passif en est même souvent inconscient. Ce n’est plus un acte déterminé qui est en cause, mais une tournure d’esprit complaisante à l’égard de ceux dont l’activité devrait faire l’objet d’un contrôle étatique.
Le constat est là : nos hauts fonctionnaires viennent de l’économie privée et ne songent qu’à y retourner après avoir récolté les gallons d’un poste à responsabilités. La fonction publique, mal rémunérée par rapport aux alléchants salaires des dirigeant du secteur privé, ne devient désormais qu’un passage obligé dans la formation des cadres supérieurs des multinationales, banques, assurances, ou autres sociétés chimiques ou pharmaceutiques..
Sans même s’en rendre compte, ces fonctionnaires sont les chevaux de Troie de cette économie privée qu’ils sont souvent amenés à devoir contrôler dans l’intérêt de la collectivité ou du partenaire le plus faible, tel le consommateur, le patient ou l’assuré.
Difficile dans ces conditions d’attendre rigueur et détermination à l’égard de celui qui fut l’employeur du contrôleur ou qui pourrait bien le devenir…
Les exemples ne manquent pas. Le dernier en date est le départ de Daniel Wiedmer, Chef de la surveillance des assureurs maladie, pour le poste de Directeur général de la caisse Assura.
« Où est le problème ? » rétorque Daniel Wiedmer à ceux qui parlent de trahison. Il a sans doute raison. Sur le plan juridique, on a tout simplement « oublié » d’insérer à son contrat une clause lui faisant interdiction, durant une période déterminée, de travailler dans le secteur économique qu’il était censé surveiller. Nul doute que Assura n’aura pas manqué, elle, d’insérer un clause de non concurrence au contrat de son nouveau dirigeant !
Il se trouve que tout n’est pas que juridique dans l’activité humaine, et que la morale reste sur sa faim. Ce même Daniel Wiedmer, voici huit ans, montait aux barricades pour s’opposer à tout contrôle judiciaire des primes de l’assurance maladie, considérant que seuls ses services étaient habilités à exercer cette tâche. On sait ce qu’il en a fait. S’il avait agi différemment, sans doute ne lui aurait-on pas offert ce poste, et ne serait-il pas invité, es qualités, à s’exprimer - en connaissance de cause - le 30 octobre 2008 à l’Université de Neuchâtel sur « les conflits d’intérêts dans le système de santé »…